photo de la Grande Salle en lumières, depuis la régie

Paroles de techs !

25.10.2021

Thomas et Sébastien sont techniciens son depuis une vingtaine d’années et André est technicien lumière depuis 12 ans. Tous les trois travaillent régulièrement à Bonjour Minuit, mais aussi à La Passerelle ou à Hermione (Saint-Brieuc), sur les festivals comme Art Rock ou dans les théâtres du département. Ils répondent à nos questions sur leur métier pour que vous puissiez tout savoir sur leur rôle en concert !

Quelle différence vous faites entre le travail du son en studio et en live ?

Sébastien : La magie du studio, c’est que tu pars d’une idée et tu construis tout autour. Si tu décides d’enregistrer une batterie dans une église, c’est parce que tu as envie que ça ressorte comme ça sur le disque. Le live, c’est restituer l’énergie d’un groupe, ce qui se passe sur le plateau, de l’instantané.

Thomas : En live, il faut que dans n’importe quelle condition, tu recrées quelque chose qui est déjà fini. Il faut recoller à ce qui est déjà fait, que ça soit dans une salle, en plein air etc. Le live est la restitution la plus fidèle possible à ce qu’il se passe sur scène, avec la contrainte du lieu, du matériel, de l’environnement.

André : Pour parler du travail du son en live, je reprendrai une phrase des sondiers américains : « damage control » ! C’est-à-dire, faire ce qu’on peut, pour contrôler du mieux possible les problèmes qui peuvent survenir. Quand on arrive à faire un live sans trop de problèmes, c’est déjà vraiment bien… Alors que le travail en studio va être l’inverse, on va rechercher des sons et peut-être inventer des choses qui n’existent pas acoustiquement.

Quelle est la situation la plus contraignante dans laquelle vous avez dû travailler ?

S : La salle au duc de l’Abbaye de Beauport, car c’est un monument qui date du XIIIe siècle et que c’est de la pierre. Très bien pour écouter le duc de l’époque, mais pour faire un concert avec une batterie, c’est assez improbable !

T : Les lieux religieux ! C’est très beau mais ce n’est pas de la programmation adaptée, acoustiquement ce sont les lieux les plus compliqués. Il y avait aussi dans les années 2000 une mode de faire plein de concerts dans des gymnases. Les grands cubes vides, ça n’a jamais très bien marché pour l’acoustique…

A : Pour l’une de mes premières prestations, il m’a été demandé de réaliser un petit plan de feu pour un quatuor à cordes, dans l’église de Loc-Envel. Toute l’installation reposait sur une seule prise dont le fusible a claqué pendant le premier morceau… et bien sûr, pas de fusible de rechange sous la main. Il a donc fallu improviser, on a pris la centaine de bougies de la réserve pour remplir l’église et essayer de ramener un peu de lumière. Pour le public, c’était incroyablement beau et intimiste mais pour ma première prestation lumière, j’ai été mis à rude épreuve !

portrait d'André
André

Technicien lumières

portrait de Sébastien
Sébastien

Technicien son

portrait de Thomas
Thomas

Technicien son

Quelles sont les grandes évolutions qui ont le plus impacté votre métier ?

T : L’arrivée de l’informatique grand public, et donc dans tout le matériel technique. Tous les appareils que nous avons sont des ordinateurs miniatures, alors qu’avant ce n’était que de l’électronique. J’ai aussi vu s’accentuer la difficulté des petits lieux à exister, les lois sont de plus en plus restrictives pour les lieux qui ne sont pas des lieux standard de diffusion.

: Il y a quelque chose qui change régulièrement dans le domaine de la lumière, ce sont les consoles. Il faut donc constamment se tenir à la page, leur fonctionnement et l’ordre dans lequel il faut les actionner varient, et parfois les logiques s’opposent d’une console à l’autre. Il y a aussi les normes de construction des bâtiments, qui interdisent désormais toutes les ampoules à incandescence. Ce qui veut dire utiliser de l’éclairage LED qui se contrôle différemment, avec d’autres technologies.

Quel est votre regard sur le statut de l‘intermittence et ses spécificités ?

S : « Intermittent du spectacle » n’est pas notre métier, nous sommes salariés de multiples employeurs ! Pour moi, c’est exactement la même chose que d’être intérimaire, sauf que je suis la boîte d’intérim. Tu montes ton réseau, c’est ton téléphone qui sonne, etc. C’est très dur de rentrer dans certains endroits et c’est très facile d’en sortir. Mais je trouve que c’est un bon système et on a de la chance de l’avoir. Ça a beaucoup changé et ces changements n’ont pas plu à tout le monde, mais c’est aussi parce que toutes les personnes qui travaillent dans le milieu du spectacle sont très disparates et n’ont pas les mêmes problématiques.

T : Ça nous permet de travailler et d’avoir un cadre légal, et le jour où il t’arrive quelque chose et que tu travailles moins, tu ne te retrouves pas sans rien. On n’a qu’un petit parachute, les 12 mois d’intermittence. Mais au bout de 20 ans de carrière, ça ne fait pas beaucoup de garanties. Une équipe qui change, une journée de travail qui se passe mal, et je n’ai plus jamais de contrat avec ce lieu ou ce prestataire. Il y a un roulement des employeurs, tu perds forcément des gens mais tu ne peux pas te permettre d’en perdre un trop grand nombre en même temps.

S : Dans une salle, il y a une forme de subordination. Tu travailles avec un régisseur général, s’il change et que le suivant a envie de travailler avec ses équipes, tu perds facilement un contrat et ça peut vouloir dire une trentaine de dates en moins dans ton année.

A : Il m’a fallu environ cinq ans pour obtenir mon statut d’intermittence, c’était un pari sur l’avenir en me consacrant à un métier dont le nombre de places est limité sur un secteur géographique. C’est aussi le jeu de l’intermittence de rester performant, et donc de se former constamment. On n’a pas beaucoup le droit à l’erreur dans ce métier. C’est pour ça que les mêmes personnes sont souvent rappelée, parce que la confiance est installée.